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Comment réconcilier le Produit et le Business?

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Charlotte Usureau
Pachamama.pm co-founder
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Ah l'éternelle rivalité!

Et pourtant, ces deux métiers ont tout intérêt à unir leurs énergies car ils ont un seul et même objectif à priori: que le produit soit un succès auprès des clients et surtout des utilisateurs.

On voit bien ici que la différence de sémantique pointe la première différence de points de vue: 

  • d'un côté nous avons les "sales" qui parlent des clients acheteurs, avec une approche et des objectifs commerciaux bien précis.
  • de l'autre, nous avons le "product" qui s'intéresse avant tout à ses utilisateurs, et ayant lui aussi sa propre méthodologie et ses KPIs.

Mais alors, comment peut-on réconcilier ces deux camps?

Chez Pachamama, le Produit on connait! Mais pour être vraiment complet et juste sur cette question, il nous manquait la vision business.

Nous avons donc donné la parole à plusieurs personnes issues aussi bien du Customer Success, que du marketing ou encore des sales. Voici les têtes d'affiche de ce sujet:

⚖️Flora Vidal, Head of Product chez Captain Contrat,

🍹Charlotte Derue, Head of onboarding chez Privateaser,

👥Cédric Favero (ex Blablacar) actuellement COO chez NeedHelp,

🧑🏽‍💻Jack IBANEZ - Consultant marketplace chez Wizaplace à Lyon.

🏘Diana Martins (passée par des postes marketing en start-up) actuellement City Manager chez Matera

Les problèmes vécus par le business? 🎯

Pour démarrer cet article, nous avons souhaité comprendre quels sont les points de blocage du business vis-à-vis de leurs collègues du Product.

Le premier élément qui est ressorti est le challenge permanent pour faire corréler les idées d'amélioration et les besoins terrain avec la roadmap Produit déjà construite.

"Le PM a lui-même tellement d'idées d'améliorations qu'il voit le business comme un troubleur de roadmap", nous explique Flora Vidal.

Et c'est vrai que parfois, le quotidien et l'enthousiasme du métier peut nous faire oublier la réalité du terrain vu par les clients et utilisateurs. On construit sa roadmap, on la valide en interne, et quand certains besoins non prévus remontent via le business (souvent les Sales ou le CSM) c'est très frustrant de devoir tout bousculer. 😡

Très lié à cela, un autre élément qui nous a été communiqué est le manque de pragmatisme et d'empathie que le Produit peut parfois avoir. Ce biais est souvent lié à un autre défaut du métier du Produit: l'effet dogmatique.

"Certains se cachent derrière leurs méthodes et sont déconnectés des choses pragmatiques du terrain. Ils perdent du temps. Et c'est dommage." nous dit Diana Martins.

Les challenges côté Produit? 🎲

De son côté, le Produit souffre parfois d'un manque de reconnaissance du business, lié au besoin d'aller vite, l'envie de "closer un client", de satisfaire son interlocuteur, etc.

Selon certains PMs interrogés sur le sujet: 

"Le business doit se rendre compte que le produit est là avant tout pour "dé-risquer" les étapes pour passer d'une idée au développement d'un produit at scale. In fine, ça fait gagner du temps et de l'argent de ne pas passer directement de l'idée à l'exécution sans un minimum de Discovery et d'analyse Produit".

Autrement dit, chers collègues du business, n'ayez pas peur de la lenteur apparente au démarrage, l'objectif est justement de d'aller plus vite à terme! 🚴🏻‍♀️

Et puis, il y a également LE grand sujet de la culture Produit en interne. Beaucoup de PMs souffrent de devoir passer trop de temps à évangéliser leur métier et le Produit, plutôt qu'à collaborer et produire ensemble! C'est souvent le cas des organisations initialement très typées "business".

"Quand on arrive, on pense que le Produit est évident pour tout le monde et en fait pas du tout". Donc il leur faut souvent montrer "patte blanche", faire de la pédagogie, expliquer, répéter, rassurer! Bref cela prend du temps et beaucoup d'énergie! 

"Cette pédagogie et cette vulgarisation est indispensable car s'il n'y a pas d'alignement, on ne parlera pas la même langue!"

Quelles sont les pistes de réconciliation?  🤝

Une des pistes pour aligner davantage les équipes est la mise en place d'OKRs (Objectifs et résultats clés). 

Il s'agit d'une méthodologie initiée par le géant Google, qui consiste à fixer des objectifs à tous les niveaux de l'entreprise et pour toutes les équipes (ou seulement une mais dans notre cas, cela a moins d'intérêt), puis à opérer leur suivi quotidien grâce aux Key Results. Les Key Results (résultats clés), ce sont les résultats concrets qu'il faut atteindre pour compléter l'objectif.

"Mais attention, prévient Cédric Favero, il ne faut pas tomber dans le piège de l'usine à gaz." Souvent, les ambitions sont trop élevées dès le démarrage, elles manquent de réalisme sur le côté atteignable."

Résultat: les objectifs bougent sans arrêt et ça a l'effet inverse, complètement contre productif!

"On a fusionné les équipes!"

En arrivant chez Captain Contrat il y a 2 ans, Flora a pris la tête de l'équipe Product Marketing. Quand le Head of Product est parti, le choix a été fait de fusionner les deux équipes. Ce choix a été motivé suite à un constat clair: l'offre de Captain Contrat étant très complexe et riche en services multiples, la simple automatisation de la plateforme ne suffisait pas.

"Il y avait des contraintes inhérentes au métier, qui allaient au delà du seul job de PM, ils n'avaient pas les compétences pour faire le reste, d'où la fusion avec l'équipe Product Marketing." explique Flora.

Et au final, cette solution fut très bénéfique pour la collaboration et le produit en lui même.

"Avant c'était un peu la guerre, et depuis qu'ils sont dans la même équipe, ça va mieux car il y a plus d'interactions naturelles et les contraintes respectives sont mieux comprises."

Au moment de la rédaction des objectifs justement, ils travaillent main dans la main pour faire progresser l'indicateur business en fonction de celui de l'utilisateur. Et ça fonctionne!

Chez Captain Contrat, une autre idée très pertinente fait ses preuves depuis quelques mois: les "vis ma vie" avec le Customer Success. Les deux PMs de l'équipe de Flora passent 2h par mois avec les CSMs où ils prennent des appels clients pour expérimenter les problèmes terrains. Cela permet aussi bien de maintenir un lien proche entre les deux équipes, mais aussi de faire de la user discovery régulière. Et Flora d'ajouter : "Les PMs sont hyper contents!".

"La communication est la clé de tout."

Chez Privateaser, la place est largement laissée à la communication régulière entre les deux équipes. Comme le dit si bien Charlotte Derue : 

"C'est 90% de relations humaines: il faut avoir confiance dans la qualité du travail de l'autre, ça ne sert à rien de mettre en place des processus sans avoir ça!"

Autrement dit, il peut être bien d'instaurer des routines dès le départ pour que ce soit ancré dans les pratiques mais pas trop régulièrement (toutes les 2 semaines est une bonne récurrence) pour avoir vraiment des choses à se raconter.

Chez eux, le process est bien rodé: le CSM arrive avec son problème, le produit fait les spécifications et avant de lancer en delivery, ils lui montrent les maquettes et le fonctionnement pour lui faire challenger. "On évite ainsi les mauvaises surprises avant que ça passe en production." explique Charlotte.

Lors de nos échanges, nous avons remarqué qu'une autre vraie solution qui fonctionne bien est la mise en place d'un rôle d'intermédiaire Business <> Produit.

Il est représenté chez Matera en la personne d'un Sales Ops, et chez Wizaplace en la personne de Jack Ibanez, consultant avant vente. Son rôle est très clair: faire en sorte d'accompagner et de fluidifier les processus et d'aligner au maximum ce qui se passe au Produit et aux Sales, notamment dans la faisabilité des projets. Ce type de rôle prend de plus en plus d'ampleur dans l'écosystème start-up car au delà du relai entre les équipes, il permet également de gagner en efficacité sur des process et outils internes!

Le meilleur PM vu par le business? 🤩

Gardons le bien en tête, cet article n'est pas là pour "clasher" du PM! 

Et, on est d'accord, aucun PM ne se ressemble. L'idée n'est surtout pas de faire de cas spécifiques une généralité. Mais il est parfois intéressant de sortir de sa bulle et de regarder objectivement comment notre travail et/ou comportement impacte les autres fonctions.

Pour terminer cette chronique, voici un petit florilège des profils de PMs "coup de ♥️" de nos interlocuteurs. 😄

Pour Cédric Favero, le meilleur PM est celui qui arrive à se mettre au niveau de son interlocuteur, qui sait communiquer et être à l'écoute sans en faire trop.

Ceux qui l'énervent le plus?

"Ceux qui restent trop dans la théorie, la méthode, la religion ou la doctrine Produit".

D'autres, qui préfèrent rester anonymes, nous ont susurré que leur partenaire produit idéal est celui ou celle qui accepte que l'éducation business fait partie de son métier et qui ne se renferme pas quand son CEO lui demande de modifier un KPI!

Enfin, Diana de Matera nous le dit franchement (et ça nous fait sourire parce que bon, on pourrait croire que c'est évident!), pour elle:

“le meilleur PM se souvient tout simplement ce qu'est un MVP! Ils parlent tous de MVP mais ils ne te le délivrent jamais vraiment car ils cherchent toujours à te sortir un truc hyper parfait qui met forcément énormément de temps à voir le jour... alors que toi tu as juste besoin d'un truc pas parfait mais maintenant!"

A bon entendeur!